Vanessa Paradis c'est l'enfer !!!

 

 


Tu demandais hier, mon avis sur le bonheur. L'air de rien voilà que tu t'inquiètes ; la paix te ferait donc peur. Je l'attise cet amour. Les brindilles volètent. Tu n'y vois que du feu. C'est sa vie secrète. Pourtant... pourtant... pourtant...

Le Figaro (14 Octobre 2000)

Vanessa Paradis : «Je suis heureuse !»


Absente de la scène depuis 1993, Vanessa Paradis revient à la chanson avec Bliss. Notamment composé avec la complicité d’Alain Bashung, cet album consacré à l’amour, au bonheur, à son fiancé et à sa fille sort mardi prochain, avant l'Olympia en mars 2001. Rencontre avec cette artiste qui tourne actuellement un film de Terry Giliam.

LE FIGARO : Un mot sur ce film de Terry Gilliam ? 
Vanessa PARADIS : Je commence à peine le tournage. Il s'agit d'une adaptation totalement folle de l'histoire de Don Quichotte («L'homme qui tua Don Quichotte») revue et corrigée par Terry Gilliam. Je joue pour la première fois avec mon fiancé. Ce n'est pas une chose après laquelle on courait car nous préférons protéger notre vie. Mais là, on n'a pas réussi à dire non. 
Pourquoi ?
Parce que c'est un super scénario, un super metteur en scène et que c'est Jean Rochefort qui joue Don Quichotte ! Et puis nous n'avons pas eu à chercher midi à quatorze heures pour caler nos emplois du temps puisque nous sommes sûrs de pouvoir être ensemble. En même temps, c'est assez effrayant de jouer en face de l'homme de ma vie. 
«Bliss», le titre de votre album signifie félicité. C'est votre état d'esprit en ce moment ? 
C'est plus complexe. Pour la première fois, il n'existe pas de mot aussi joli dans la langue française. On peut le traduire par félicité, par bonheur parfait ou encore le mieux du mieux qu'on puisse être. Je suis heureuse ! 

Johnny Depp a participé à votre album dans lequel vous évoquez également votre fille, Lily Rose. Plus peur de parler de votre vie privée ? 
Vous pouvez y aller ! C'est vrai que je j'aime pas qu'on parle de ma vie dans la presse, mais cet album ne parle que de ça. Il est clair que c'est très contradictoire. Je suis parfaitement consciente d'ouvrir un peu mon jardin secret à tout le monde. Mais il y avait quelque chose en moi qui me poussait à concevoir tous ces titres comme un album de photos, un reflet de ma vie que j'ai eu envie de montrer. 

C'est vous qui avez téléphoné à M. (Chedid) pour qu'il participe à vos chansons ? 

Oui. J'avais entendu un extrait de son premier album, «Baptême», et j'ai trouvé ça d'enfer ! A l'époque, j'étais en recherche. Je savais que je ne pouvais pas faire un album toute seule. En même temps, j'avais besoin de talents mais surtout de vrais et beaux êtres humains. Je n'aurais pas pris des gens super talentueux qui auraient été des plaies. Avec Mathieu, ça a collé tout de suite. C'est quelqu'un de simple, de drôle et de talentueux, comme Franck Monnet et tous ceux qui ont travaillé sur l'album. 
Vous avez participé à l'écriture, à la composition, aux arrangements, à la production... C'est un peu votre second bébé ? 
Je n'ai rien laissé faire sans y mettre mon grain de sel ! Je voulais que cet album soit très personnel et je ne voulais rien laisser passer. J'ai peut-être été chieuse, mais au final, c'est mon disque. Il n'y a que moi qui puisse l'assumer. Pour les autres, je m'étais contentée de choisir les chansons et de les interpréter. 

Vous avez composé certains morceaux. On ne vous savait pas musicienne ? 
N'exagérons rien. Je joue du piano avec trois doigts et de la guitare depuis deux ans, et pas tous les jours ! Donc je joue très mal mais ça suffit pour écrire des chansons ! C'est juste beaucoup plus laborieux que pour d'autres. Moi, j'ai les accords dans ma tête et je mets parfois des mois avant de les trouver à la guitare. 
Johnny Depp a notamment composé un beau thème jazzy, «Saint-Germain» ?
Là, ce n'était pas programmé. Pour la chanson «Bliss», j'avais commencé le refrain et je n'arrivais pas à en décoller. Je l'ai appelé à l'aide. Pour «Saint-Germain», ça s'est passé par hasard. Lui grattait la guitare, je me suis mise à fredonner et... c'est devenu une chanson. 
Vous a-t-il encouragé ? 
Beaucoup. Il avait plus confiance en moi que moi-même. Forcément, ça donne des ailes ! 

Votre dernière apparition sur scène remonte à 1993. Pourquoi une si longue parenthèse ? 
J'étais partie dans le cinéma parce que j'avais besoin de souffler. Pas de la musique parce que ça ne me quitte jamais mais de la façon dont cela s'organise autour. Je ne fais pas partie d'un groupe qui fait des concerts et arrive à faire vivre sa musique. Pour moi, cela se passe de manière plus médiatique et cela m'a un peu étouffée. Le cinéma, c'est une planque idéale parce qu'on rentre dans la peau de quelqu'un d'autre, on dit les mots des autres... On oublie sa vie et ça fait vraiment des vacances ! Je me souviens que pendant le tournage d'«Elisa», j'étais tellement bien, avec des gens adorables que je n'ai pas eu envie de faire un autre disque. J'ai pris du temps, tourné d'autres films. Et un jour, ça a commencé à me démanger. Cela a pris trois ans. Il faut dire que je n'ai pas travaillé tous les jours et que j'ai fait un bébé ! 
Vous lui avez d'ailleurs dédié «la ballade de Lily Rose» ?
La musique, je l'avais composée alors que j'étais enceinte. Lorsque je me suis dit que cela ferait une jolie berceuse pour elle, le texte est venu très facilement. Je suis consciente que ce dernier n'est pas d'un génie prodigieux, mais il correspond à ce que je voulais. Pour les autres textes aussi, je me dis que ce n'est pas fabuleux mais je n'ai pas à en rougir, j'y ai mis beaucoup d'honnêteté et je les assume. Ceux que je n'arrivais pas à assumer, j'ai demandé à d'autres de les écrire.
Vous avez écrit pas mal de textes en anglais. Pourquoi ?
Non, je crois que c'est équilibré, mais c'est vrai qu'en anglais les tournures sont plus simples. C'était aussi une manière plus pudique de me lancer dans l'écriture en me cachant derrière une langue qui n'est pas la mienne. La chanson «Commando» dégage une certaine violence. Est-ce voulu ? Le mot à une image liée à la bagarre, à la guerre, mais ce n'est pas ça. C'est une chanson qui rassemble toutes les idées de cet album qui est le gang d'amour, la solidité d'une famille et de l'amitié. Quelque chose d'indestructible. 
On vous sent plus sereine, moins méfiante vis à vis de la presse ou des medias ?

J'ai toujours pas très envie de parler des détails de ma vie privée mais, forcément, quand on est heureuse, c'est difficile de ne pas l'exprimer. 

D'autres projets ? 
J'y vais doucement, ma vie personnelle passe avant tout. Mais j'aimerais bien jouer au théâtre, ça doit être très fort et vivant. Pour une pièce classique ou contemporaine, je ne sais pas. J'ai besoin d'un coup de foudre ! 
Vanessa Paradis : «Bliss» (Barclay)

Propos recueillis par Annie Grandjanin